dimanche 7 septembre 2014

Il y a 202 ans, à Borodino, l'Empereur battait les Russes...


   "L’une des quelques occurrences où le courage des soldats de la Grande Armée surpassa les talents tactiques de Napoléon, la bataille de la Moskova/Borodino resta dans les mémoires comme l’une des plus terribles boucheries des guerres napoléoniennes. Elle prit place en septembre de l'année 1812, durant la légendaire campagne de Russie et resta dans les mémoires comme un exemple typique de ce que l’on appelle une victoire à la Pyrrhus.

   Après des semaines de marche sans être parvenu à arracher la moindre bataille décisive à une armée russe fuyante, Napoléon sait qu’il joue son va-tout. Si loin de ses bases, une défaite signifierait une catastrophe irrémédiable pour son corps expéditionnaire et la nouvelle d’une défaite risquerait d’avoir des conséquences politiques dramatiques dans le reste de l’Empire à l’heure où viennent d'Espagne les nouvelles d'une cruelle défaite des forces de Marmont face aux Anglais de Wellington.
Enfin pourtant, après des mois de marches, la bataille décisive tant voulue par l’Empereur semble enfin se présenter.

   Le 6 septembre, veille de la bataille, tandis que les dernières unités arrivent sur le champ de bataille et que l’on rallie les traînards, Napoléon réfléchit à son plan de bataille. Affecté par une forte grippe accompagnée d’épouvantables migraines, il redoute plus que tout de voir une nouvelle fois l’armée russe se dérober en lui refusant une nouvelle fois sa victoire tant espérée. Face aux forces impériales, néanmoins, l’armée russe de Koutouzov, galvanisée par la conviction de défendre son sol sacré et convaincue d’être le dernier rempart entre l’envahisseur et la cité Sainte de Moscou, se trouvait plus déterminée que jamais. Le plan sur lequel s’arrêta finalement l’Empereur fut donc simple et efficace : sur la Gauche, Eugène aurait pour mission de prendre la village de Borodino et de contenir l’ennemi tandis qu’au centre Junot, Ney et Murat et qu’à droite Davout et Poniatovski marcheraient à l’ennemi. Davout, dont le génie tactique n’était plus à prouver, suggéra de se porter sur le flanc russe durant la nuit à travers les bois d’Outitza pour en attaquer le flanc, mais l’Empereur, craignant de provoquer par cette (pourtant très subtile) manœuvre la fuite de l’ennemi qu’il avait eu tant de mal à amener sur le champ de bataille, rejeta l’idée et préféra son approche plus directe.

   Au matin du 7 septembre, à proximité du village de Borodino, à seulement 125km de Moscou, 250 000 hommes et plus de 1200 bouches à feu se font face.A 5 heures, tandis que le soleil se lève et perce la brume matinale, Napoléon qui parcourt à cheval ses lignes, tourne son regard vers l’Est et lâche des mots qu’il espère prophétiques : « c’est le soleil d’Austerlitz ».

   A 6 heures, les premiers coups de canon retentissent. Atteint par un boulet qui tue sous lui son cheval, Davout tombe, évanoui. On le croit mort. Apprenant la nouvelle, Napoléon envoie Murat prendre le commandement du corps de Davout, mais à son arrivée il trouve le prince d’Eckmühl bien vivant à la tête de ses hommes. L'événement ne restera cependant pas sans conséquences et forcera Davout à quitter son commandement quelques minutes plus tard.

   7 heures. Accompagné de trois divisions, le maréchal Ney fond sur les Russes de Bagration. Enfin, Koutouzov comprend le plan de Napoléon qui prévoit de percer son flanc gauche pour lui couper toute possibilité de retraite vers Moscou et envoie le corps de Boggowouth au secours de son aile fragilisée. Ney, qui remportera par ailleurs en ce jour le titre de prince de la Moskova, repousse l’ennemi et prend pied sur ses positions. Débute alors une féroce contre-attaque des forces tsaristes dont les fantassins et la cavalerie lourde menacent de repousser les Français. Arrivant au triple galop et avec son panache habituel, Joachim Murat vole au secours du « brave des braves » avec sa cavalerie légère, bientôt suivie par la division de cuirassiers de Nansouty et de deux autres brigades de cavalerie légère qui se ruent sans attendre sur les carrés de la Garde russe.
Repoussés encore et encore, les cavaliers français ouvrent finalement une brèche dans les lignes russes et permettent à Ney et au corps de Davout, dont le génial maréchal a abandonné le commandement, de prendre pied sur la troisième position du dispositif ennemi. Cependant, les positions surélevées occupées par les Russes derrière se point font subir d’horribles pertes aux soldats de la Grande Armée.

La prise de la Grande Redoute par les Français.
 
   Vers 10 heures, au milieu d’une terrible canonnade, un régiment de la division Morand (corps de Davout) s’empare de la grande redoute occupée par 24 pièces d’artillerie russe de gros calibre. Malade et fatigué, incapable de voir au milieu de la fumée de la bataille et aveuglé par le soleil qui lui fait face, Napoléon ne voit pas l’ennemi fuir la redoute et rate un moment décisif en refusant de faire donner la Garde. De son côté, voyant les choses sur le point de mal tourner, Koutousov rallie ses forces et engage l’intégralité de son armée dans une vaste contre-offensive.

   A 11 heures passées, la mêlée est générale sur tous les points du champ de bataille. Au centre, la division Morand recule et est secourue par celle de Gérard (ex division Gudin), à droite les forces de Davout et Ney subissent assaut sur assaut tandis que la division Friant, ayant traîné sur tout le champ de bataille quatre-vingt canons, prend place sur les ouvrages défensifs pris plus tôt aux Russes.
Malgré la mort de Bagration, peu avant 13h, la percée finale semble toujours hors de portée pour les forces impériales poussant l’empereur à reformer son artillerie en une vaste batterie de près de trois-cents pièces.

   A 15h, les corps d’Osterman et de Doktourov, ainsi que la Garde russe ont été assez entamé par le feu nourri des Français pour permettre un assaut décisif, mais au final, les Russes combattent avec une énergie et une détermination jamais vue. Bien que conscient de pouvoir emporter la victoire s’il faisait donner sa Garde, Napoléon n’en fait rien, craignant d’infliger trop de pertes à son corps d’élite.
Le combat durera finalement jusqu’à la nuit.

   A 22h, Murat arrive au quartier général et annonce la retraite des Russes. Les Russes ont laissé sur le champ de bataille 50 000 tués ou blessés sur 120 000 hommes, auxquels s’ajoutent 800 prisonniers. De son côté, l’armée napoléonienne a perdu 30 000 de ses soldats sur un effectif total de 130 000. Nombre d’officiers et de héros des deux camps ont perdu la vie lors de la terrible journée, donnant à l'engagement une sinistre réputation.
« Jamais je ne vis briller dans mon armée autant de mérite », dira l’Empereur. De fait, les pertes de l’armée napoléonienne furent presque deux fois moins importantes que celles du tsar, mais si cette victoire à l’arrachée ouvrit la route de Moscou, elle ne permit pas de détruire les forces russes qui s’évanouirent dans la nature pour devenir, deux mois plus tard, une terrible épine dans le flanc des forces françaises en retraite."

 Par Olivier L. Historien et spécialiste du Premier Empire.

samedi 6 septembre 2014

Il y a 100 ans, la bataille de la Marne faisait rage...

La proclamation de Galliéni au peuple de Paris.
(Historial de Péronne, Juillet 2011)

   Un mois après le début des hostilités, les Français sont en mauvaise posture. Le plan Schlieffen a balayé les intentions offensives de Joffre et de ses généraux. Les offensives en Lorraine et Alsace ont couté de terribles pertes aux armées Françaises, la seule journée du 27 août a couté la vie à 27 000 pantalons rouges, jour le plus sanglant de l'histoire militaire française. Épuisées, les troupes alliées reculent depuis des jours face à l'avance allemande. Le gouvernement a quitté Paris depuis le 2 septembre, mais Galliéni nommé gouverneur militaire de la capitale entend défendre la cité coûte que coûte. Rétablies sur la Marne, les armées alliées se dressent à nouveau face à l'ennemi pour un affrontement décisif. L'ordre du jour de Joffre du 6 septembre diffusés à ses troupes ne laisse guère de doute sur la situation militaire du pays : 

   "Au moment ou s'engage une bataille dont dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et repousser l'ennemi. Toute troupe qui ne peut plus avancer devra coute que coute garder le terrain conquis et se faire tuer plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée". JOFFRE.

Plan d'opérations de la bataille de la Marne.
(Mondement-Mongivroux, mars 2014)
   Cette contre-offensive de la Marne tient à plusieurs renseignements glanés par les aviateurs français. Ces derniers informent Joffre et Galliéni que les troupes de la Iere armée allemande ne se dirigent plus vers Paris mais en direction du sud est, offrant son flanc à une possible contre-attaque. Galliéni voyant cette occasion se présenter, convainc Joffre de lancer cette offensive. La 6ème armée française fut alors lancée sur l'Ourcq, entre Nanteuil le Haudoin et Meaux. C'est au cours de cette offensive qu'à lieu le célèbre épisode des taxis parisiens qui transportèrent une brigade (6000 hommes) en renfort sur le front. Outre le front de l'Ourcq, les troupes françaises reprennent l'offensive sur un front de 280km de l'Ourcq à Verdun. Face aux assauts répétés durant quatre jours, les Allemands finissent par battre en retraite, c'est le "Miracle de la Marne" qui sauve le pays de la défaite. Épuisées, les troupes françaises ne pourront poursuivre efficacement l'ennemi qui se commencera à se retranchera sur l'Aisne, repoussant les dernières offensives franco-anglaises. La guerre de tranchées fait ainsi ses débuts, après novembre 1914 et la fin de la "course à la mer", le front sera stabilisé de la mer du nord à la frontière suisse.